Actualités

L’OMSA s’appuie sur les radios locales d’Afrique de l’Ouest et centrale pour sensibiliser les communautés aux zoonoses

zoonosis through rural radio in Western and Central Africa
En améliorant les connaissances sur les maladies animales et sur les risques de propagation entre espèces, le Projet EBO-SURSY contribue à prévenir de futurs foyers de maladies zoonotiques comme Ebola et d’autres fièvres hémorragiques virales.

Twitter ? Facebook ? Télévision ? Nous vivons à l’ère numérique et la plupart d’entre nous allons chercher sur nos écrans et sur internet les informations sur l’actualité. En Afrique, néanmoins, la source d’information la plus utilisée reste la radio. Dans les régions reculées où la distribution de journaux, les connexion internet et les signaux de télévision sont souvent instables ou inexistants, la radio reste le moyen de communication le plus fiable, en particulier dans les communautés les plus éloignées et isolées.

Lorsqu’il s’agit de partager des informations sanitaires cruciales, la capacité concrète d’atteindre les populations reculées sauve des vies. À l’instar d’Ebola, nombre de maladies potentiellement mortelles sont des zoonoses (c’est-à-dire qu’elles sont transmissibles des animaux aux humainset réciproquement), qui surviennent dans des zones forestières tropicales où les humains et les animaux cohabitent au sein d’un même environnement. Il est rare dans ces régions de pouvoir se connecter à internet ou de capter un signal de télévision stable.

Le Projet EBO-SURSY de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) soutient les pays dans leurs efforts pour améliorer leurs systèmes de surveillance des zoonoses et contribue à sensibiliser les populations locales de dix pays d’Afrique de l’Ouest et centrale aux questions en lien avec les maladies animales. Le projet est surtout axé sur les fièvres hémorragiques virales (dont l’infection par le virus Ebola), chaque pays bénéficiaire étant affecté par l’une ou plusieurs de ces maladies qui y sévissent à l’état endémique.

La communication sur la santé est une question sensible. S’agissant des humains, il convient de ne pas provoquer de panique inutile ni de stigmatiser les communautés. S’agissant des animaux, l’information diffusée sur les maladies animales ne doit pas se traduire par des mesures qui mettent les animaux en péril. Afin de mobiliser intelligemment les communautés locales et de communiquer sur les causes de la transmission aux humains des fièvres hémorragiques virales d’origine animale, l’OMSA a mis en place un partenariat avec l’ONG Children Radio Foundation (CRF). Cette ONG s’est spécialisée dans les radios rurales locales et travaille directement avec de jeunes journalistes et des concepteurs d’émissions radiophoniques afin de faire participer les communautés locales à un dialogue ouvert et instructif diffusé sur les ondes.

Le projet radiophonique d’EBO-SURSY

Notre intervention commune a porté sur cinq stations de radio dotées d’une bonne couverture dans les régions forestières ou les parcs nationaux de Guinée et de la République démocratique du Congo (RDC), deux zones particulièrement touchées par l’épidémie d’Ebola de 2014 ou d’autres épidémies plus récentes. Dans chacune de ces stations, nous avons formé des animateurs radio et de jeunes journalistes, deux groupes passionnément engagés auprès de leurs communautés et enthousiastes à l’idée de lancer un nouveau sujet, à savoir l’interdépendance entre la santé animale et la santé humaine. Nous leur avons également fourni une assistance pour élaborer des contenus radiophoniques sous des formes conviviales et attrayantes et pour approfondir leurs connaissances sur les zoonoses, l’infection par le virus Ebola et le rôle de la faune sauvage, tout en leur proposant un référentiel concret pour la création d’émissions dédiées, par le biais de notre Guide de Production radiophonique pour les campagnes de sensibilisation aux zoonoses.

Children Radio Foundation forme de jeunes journalistes à la mobilisation active des communautés locales dans des discussions innovantes, à la conduite d’interviews et à la remontée de commentaires d’auditeurs concernant les programmes radiophoniques diffusés. © Organisation Mondiale de la Santé Animale/Elijah Muwaza

Par exemple, le projet a formé des concepteurs d’émissions de radio à l’élaboration de spots d’intérêt public et de micros-trottoirs consistant à poser la même question à plusieurs personnes dans un même lieu, par exemple un marché. Des idées innovantes ont été proposées aux animateurs radio pour la conduite d’entretiens avec les professionnels de la santé animale et les défenseurs de l’environnement, la réalisation de radio-portraits de personnes ayant subi l’impact des maladies animales et la préparation de chroniques sur la situation de la santé animale et des zoonoses à l’échelle de la communauté. Le Guide fournit quelques exemples détaillés permettant aux animateurs de se lancer, sur le modèle de ce spot :

[Bruits de pas dans le feuillage. Appels d’oiseaux.]

Voix 1 : Regarde, Bob, encore une antilope morte.

Voix 2 : C’est bizarre, c’est la deuxième que nous trouvons en une semaine !

Voix 1 : Très bizarre. Heureusement que nous ne l’avons pas touchée, c’était la bonne décision, vu que c’est peut-être une maladie qui l’a tuée.

Voix 2 : En effet ! Ne la touchons pas, et surtout alertons sans tarder les responsables de la faune sauvage.

Voix off : Un animal sauvage malade est une proie facile, mais pas un bon repas ! Ne chassez pas d’animaux en apparence malades, car ils sont peut-être porteurs de virus responsables de maladies.

Ce type de messages ouvre des voies créatives pour que les communautés locales qui vivent en contact étroit avec la faune sauvage à l’interface humains-animaux prennent conscience des connexions entre leurs comportements et leur santé, et des liens réciproques entre la santé animale et la santé humaine. En outre, ces spots donnent aux membres des communautés une ligne de conduite claire (appeler les services responsables de la faune sauvage, ne pas toucher les animaux trouvés malades ou morts) et les incitent à jouer un rôle proactif dans le système de surveillance des maladies animales à l’échelle locale, mais aussi régionale et nationale. Ce n’est en effet que par la capacité des communautés locales à déceler les signes des maladies animales dans la nature environnante et à alerter immédiatement les autorités pertinentes que nous pourrons garantir à tous un monde plus sûr et en meilleure santé, en sauvant des vies grâce à des mesures de prévention plutôt que par les réponses apportées à des foyers de grande envergure.

Au marché de Mbandaka, une femme vend de la viande de brousse à des familles du voisinage. La question des chasseurs qui vendent les animaux trouvés morts de maladie ou pour d’autres raisons inconnues est l’un des thèmes traités dans les émissions de Radio EBO-SURSY.
© Organisation Mondiale de la Santé Animale/Elijah Muwaza   

Évaluer notre impact sur la communauté

Pendant cinq mois, les stations de radios des zones forestières tropicales de Guinée et de la RPC ont diffusé les spots clés de Radio EBO-SURSY sur les zoonoses, la viande de brousse, la maladie d’Ebola et d’autres maladies, couvrant une audience potentielle de plus de 700 800 personnes. Les enquêtes d’évaluation post-programme effectuées par des groupes thématiques qui ont enquêté sur les habitudes d’écoute, les changements de comportement et les attitudes vis-à-vis des zoonoses ont fait apparaître qu’en Guinée, près de 45 % des personnes âgées de 18 ans ou plus connaissaient les programmes de Radio EBO-SURSY et que 70 % d’entre elles les écoutaient régulièrement. En RDC, 39 % des participants interrogés connaissaient les programmes et 54 % d’entre eux les écoutaient régulièrement.

Les échanges avec un groupe témoin invité à jouer au quiz du jeu de cartes « vrai ou faux » sur les maladies d’origine animale avant et après la diffusion des émissions ont mis en lumière un gain de connaissances sur les zoonoses et les maladies animales infectieuses dans leurs communautés. C’est en Guinée, où le niveau de connaissances sur le sujet était le plus faible au départ, que l’amélioration a été la plus nette, avec un gain de connaissances de 79 % à la fin du programme. Quant à la RDC, pays davantage frappé par des foyers d’Ebola et dont le niveau initial de connaissances sur les zoonoses et sur la maladie d’Ebola était plus élevé (51%), un gain de connaissances y a aussi été enregistré, s’élevant à près de 45 %. En améliorant ainsi les connaissances sur les zoonoses, le Projet EBO-SURSY cherche à renforcer la participation des communautés locales à la détection des signes évocateurs de foyers de malades animales pouvant se propager dans la population humaine, ce qui contribuera à prévenir de futurs foyers.

À la question de savoir comment avaient évolué leurs connaissances sur les zoonoses, les participants communautaires qui avaient suivi les programmes de Radio EBO-SURSY ont répondu que ces émissions avaient « beaucoup », voire « énormément » modifié les attitudes de la communauté vis-à-vis de la faune sauvage. Un auditeur de Radio Espace Forêt à N’zérekoré (Guinée) a appelé la radio pour faire part de son expérience :

J’apprécie sincèrement la qualité des spots de sensibilisation diffusés par votre radio. Je pense que si ces messages avaient été diffusés avant le premier épisode d’Ebola, nous n’aurions pas eu autant de morts. Vous conviendrez avec moi qu’aujourd’hui, les communautés possèdent enfin des notions de base sur la prévention des maladies. Merci pour votre initiative et j’espère qu’elle se poursuivra.

Auditeur de Radio Espace Forêt à N’zérekoré en Guinée

Les programmes de Radio EBO-SURSY ont pris fin après les cinq mois prévus mais le projet continue à diffuser le Guide de Production radiophonique pour les campagnes de sensibilisation aux zoonoses  (disponible en français et en anglais) dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale affectés par les fièvres hémorragiques virales. L’importance de la sensibilisation aux zoonoses ne saurait être sous-estimée, comme en témoigne le nouveau foyer d’Ebola survenu près de notre station de radio à Mbandaka (RDC) quelques semaines à peine après la diffusion des derniers spots d’EBO-SURSY. Les interactions entre les animaux et les humains restent fortes dans ces communautés, et ce n’est qu’à travers une prise de conscience accrue et un plus grand respect des animaux et de l’environnement qui nous entoure que nous pourrons construire un avenir plus sain pour tous.