Premier rapport mondial sur la santé animale : une propagation des maladies en mutation menace la sécurité alimentaire, le commerce et les écosystèmes

Principaux constats :
- Les maladies animales apparaissent dans des zones auparavant épargnées, dont près de la moitié (47 %) présentent un potentiel zoonotique, c’est-à-dire transmissible de l’animal à l’homme.
- Les flambées de grippe aviaire chez les mammifères ont plus que doublé en 2024 par rapport à 2023, augmentant le risque de transmission aux humains.
- L’accès aux vaccins pour le bétail reste inégal dans le monde, les efforts d’éradication des maladies se heurtant à des défis financiers et politiques.
- L’utilisation d’antibiotiques chez les animaux a diminué de 5 % entre 2020 et 2022. Une généralisation de la vaccination du bétail permettrait de réduire les risques de résistance antimicrobienne.
23 mai, PARIS – Les maladies infectieuses animales affectent de nouvelles zones et espèces, compromettant la sécurité alimentaire mondiale, la santé humaine et la biodiversité, selon le premier rapport sur la situation mondiale de la santé animale, publié par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
Cette évaluation annuelle, première du genre, offre une revue complète des tendances, risques et défis liés aux maladies animales, allant de l’accès aux vaccins à l’utilisation des antibiotiques. Publié à l’occasion de la 92e Session générale de l’OMSA et de son Forum sur la santé animale – où des experts se réuniront pour discuter vaccination et innovation dans la prévention des maladies –, le rapport ouvre la voie à des discussions de haut niveau sur la manière dont les stratégies vaccinales fondées sur la science et les technologies émergentes peuvent contribuer à lutter contre les menaces actuelles et futures à travers une approche « Une seule santé ».
Parmi ses conclusions, le rapport révèle que le nombre de foyers de grippe aviaire chez les mammifères a plus que doublé en 2024, atteignant 1 022 foyers dans 55 pays, contre 459 en 2023.
Les auteurs soulignent que, bien que le risque d’infection humaine reste faible, l’infection de nombreuses espèces de mammifères (bovins, chats, chiens, etc.) augmente la probabilité d’adaptation du virus à la transmission entre mammifères, voire à l’humain.
« La propagation, la prévalence et l’impact des maladies animales infectieuses évoluent, apportant de nouveaux défis pour l’agriculture, la sécurité alimentaire, la santé humaine, le développement et les écosystèmes naturels », déclare la Dre Emmanuelle Soubeyran, Directrice générale de l’OMSA.
En lançant une nouvelle évaluation annuelle de l’état de la santé animale mondiale, l’OMSA met en lumière les enjeux sanitaires interconnectés et les solutions qui permettent d’améliorer la santé animale et, par conséquent, la santé mondiale.
Dre Emmanuelle Soubeyran, Directrice générale de l’OMSA.
La grippe aviaire, ou influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), responsable de l’abattage ou de la perte de plus de 630 millions d’oiseaux au cours des vingt dernières années, fait partie des nombreuses maladies animales à avoir touché de nouvelles régions en 2024.
La peste des petits ruminants (PPR), qui affecte traditionnellement les moutons et chèvres dans les pays en développement, a refait surface en Europe. La peste porcine africaine (PPA) a quant à elle atteint le Sri Lanka, à plus de 1 800 km du foyer le plus proche, selon le rapport.
Près de la moitié des maladies inscrites sur la liste de l’OMSA signalées entre 2005 et 2023 sont considérées comme présentant un risque pour la santé humaine, avec un potentiel de transmission zoonotique.
Le rapport cite le changement climatique et l’intensification des échanges commerciaux comme facteurs influençant la propagation et la prévalence des maladies. Si beaucoup de ces maladies peuvent être prévenues grâce à une combinaison de vaccination, d’hygiène et de mesures de biosécurité, l’accès aux vaccins reste inégal à l’échelle mondiale.
« Aux côtés d’autres mesures, la vaccination demeure l’un des outils les plus puissants pour prévenir les maladies, sauver d’innombrables vies, éviter des pertes économiques et réduire le recours aux traitements antimicrobiens », ajoute la Dre Soubeyran.
« Pour limiter la propagation de maladies particulièrement dommageables comme la grippe aviaire, la fièvre aphteuse ou la PPR, la communauté internationale doit renforcer la coopération et garantir un accès équitable à des vaccins sûrs et efficaces, en parallèle d’autres mesures de contrôle. »
Depuis 2006, l’OMSA soutient l’accès aux vaccins à travers ses banques vaccinales. Elle en opère actuellement deux : une pour la rage et une pour la PPR. En mai 2025, la Banque de vaccins contre la rage de l’OMSA avait déjà livré près de 30 millions de vaccins canins à des pays d’Afrique et d’Asie. Toutefois, les progrès vers l’élimination de la rage stagnent : la proportion de pays ayant mis en œuvre des mesures de contrôle est passée de 85 % à 62 %.
Le rapport souligne également l’importance de la prévention pour réduire le recours aux antibiotiques et freiner le développement de résistances aux médicaments.
D’ici 2050, la résistance aux antimicrobiens pourrait entraîner des pertes de bétail menaçant la sécurité alimentaire de deux milliards de personnes et provoquer une perte économique de 100 000 milliards USD si aucune action urgente n’est entreprise.
Les dernières données indiquent que l’utilisation des antimicrobiens, y compris des antibiotiques, chez les animaux a diminué de 5 % entre 2020 et 2022, avec une baisse notable de 23 % en Europe, suivie de 20 % en Afrique. Toutefois, un pays sur cinq continue d’utiliser les antimicrobiens comme facteurs de croissance, une pratique que l’OMSA déconseille.
« L’utilisation indiscriminée des antimicrobiens favorise la résistance, une menace majeure pour la santé animale et humaine », déclare le Dr Javier Yugueros-Marcos, chef du département Résistance aux antimicrobiens et Produits vétérinaires de l’OMSA. « La baisse de l’utilisation des antibiotiques dans presque toutes les régions est encourageante, mais des réductions supplémentaires peuvent être obtenues en privilégiant les mesures préventives, dont la vaccination est une composante essentielle. »
L’OMSA appelle à investir pour renforcer les Services vétérinaires nationaux, améliorer la coordination mondiale et régionale, et mettre en place des systèmes de surveillance efficaces. Cela inclut le développement et l’utilisation d’outils diagnostiques avancés permettant de distinguer les animaux vaccinés des infectés, essentiels pour un suivi précis et une transparence commerciale.
Lire le rapport – Pour les demandes d’interview, veuillez contacter [email protected].
Succès clés en matière de vaccination présentés dans le rapport :
- En octobre 2023, la France est devenue le premier pays de l’Union européenne à mettre en place une campagne nationale de vaccination contre la grippe aviaire chez les canards – vecteurs majeurs du virus. Résultat : 10 foyers seulement contre 700 attendus.
- La Turquie a développé un nouveau vaccin contre la fièvre aphteuse en seulement 37 jours, vaccinant 14,2 millions de bovins (90 % du cheptel national) et 2,5 millions d’ovins en six mois.
- Les Philippines ont vacciné des millions de chiens contre la rage grâce à la Banque de vaccins de l’OMSA. Un financement de l’UE avait permis de livrer 500 000 doses, entraînant une baisse notable des cas de rage.
À propos de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA)
Créée en 1924 en réponse à une épidémie de peste bovine en Belgique, l’OMSA est l’autorité mondiale en matière de santé animale. Elle œuvre à la surveillance, au contrôle et à la diffusion transparente d’informations sur les maladies animales, avec pour objectif d’améliorer la santé animale et, par extension, la santé mondiale, dans un monde plus sûr et durable.
À propos du Forum sur la santé animale – 92e Session générale de l’OMSA
Le Forum sur la santé animale, intitulé « Vaccins vétérinaires : de la science à l’action – Réflexions pour le changement », offre une plateforme de dialogue entre Délégués de l’OMSA, experts et parties prenantes sur les obstacles au développement et à l’utilisation des vaccins dans les stratégies de prévention et de contrôle des maladies.