Maladie listée

Échinococcose

Plus de quatre siècles avant notre ère, Hippocrate indiqua que des kystes hydatiques chez l’homme pouvaient parfois éclater dans la cavité abdominale. En outre, il compara ces kystes à des « tumeurs remplies d’eau » qu’il avait observées lors d’examens post-mortem sur des bovins et des porcs. Dans une zone endémique où l’hydatide kystique est incontrôlée, le taux d’infestation chez les moutons peut être >50% et le taux de prévalence humaine >5%. Les zones pastorales où se trouvent du bétail, des chiens et des hommes entretiennent la transmission d’E. granulosus par le biais de l’abattage à la ferme et de l’alimentation des chiens avec des abats. Les programmes de contrôle de l’échinococcose kystique peuvent déboucher sur de bons résultats mais requièrent une longue période d’intervention (>5 à 10 ans), reposant principalement sur des mesures de contrôle visant les chiens. L’arrivée d’un nouveau vaccin pour le bétail pourrait permettre de réduire le délai nécessaire pour interrompre la transmission du chien au mouton et le risque d’exposition pour l’homme.

Qu’est-ce que l’échinococcose ou hydatidose  ?

L’échinococcose ou hydatidose est une infestation par des Taeniidés (vers plats) du genre Echinococcus, un minuscule ténia d’à peine quelques millimètres de long. Cinq espèces d’Echinococcus ont été identifiées, qui infestent un large éventail d’animaux domestiques et sauvages. L’échinococcose est une zoonose – une maladie animale affectant les humains.

Comme pour tous les taeniidés, leur cycle de vie implique deux animaux. Leur hôte définitif est un carnivore – dans les intestins duquel vivent les vers adultes – et la plupart des mammifères, y compris les humains, peuvent servir d’hôte intermédiaire dans les organes desquels les vers forment des kystes.

Les symptômes de la maladie sont dus aux kystes, structures remplies de liquide qui se développent lentement et contiennent les larves, et se situent le plus souvent dans le foie ou les poumons. Appelés kystes hydatiques pour E. granulosus, ils agissent comme des tumeurs qui peuvent perturber la fonction de l’organe dans lequel ils se trouvent, provoquer un ralentissement de la croissance, une baisse de la production de lait ou de viande et le rejet des organes lors de l’inspection de la viande. Chez l’homme, la maladie peut être sévère, occasionnellement mortelle, et son traitement se révèle long et coûteux. Echinococcus reste bénin dans l’intestin de l’hôte définitif carnivore.

Une infestation par Echinococcus constitue une maladie figurant sur la liste du Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’OMSA et doit être notifiée par les Pays Membres conformément au Code de l’OMSA.


Transmission et propagation

Pour E. granulosus le cycle le plus répandu intervient entre chiens et moutons. Lorsque les chiens sont nourris avec des abats frais ou ingèrent des carcasses de moutons infestés présentant des kystes, ils sont contaminés, contaminent à leur tour les pâturages avec leurs fèces, transmettant ainsi la maladie aux moutons qui paissent. Il existe un cycle similaire entre chiens et chevaux, chiens et chameaux, etc. et, parmi la faune sauvage, entre loups et orignaux/cerfs ou dingos et kangourous/wallabies, par exemple. E. multilocularis se transmet principalement dans le cadre d’une relation prédateur/proie entre renards et petits mammifères, notamment les campagnols. Les vaches, les moutons et les porcs, s’ils sont parfois exposés à une infestation, ne développent que de petites lésions par E. multilocularis non viables et ne sont donc pas impliqués dans la transmission.

Le cycle de vie :

Les vers adultes vivent dans l’intestin grêle de l’hôte définitif. Ils se reproduisent et relâchent des œufs dans l’environnement à travers les fèces de l’animal infecté. Ces œufs peuvent survivre un an dans l’environnement, dans une atmosphère fraîche et humide, mais sont sensibles à la dessiccation. Visqueux, les œufs frais peuvent adhérer au pelage des hôtes définitifs et ainsi faciliter leur dissémination.

L’hôte intermédiaire ingère les œufs accidentellement en broutant, en buvant ou en consommant un aliment contaminé. Les œufs éclosent dans l’intestin grêle, deviennent des larves sur les parois des boyaux, qui sont transportées par le système circulatoire vers différents organes. Là, se forment les kystes, appelés kystes hydatiques ou métacestodes. Les kystes sont des vésicules emplies de liquide contenant les pré-ténias larvaires (protoscolex). Ils provoquent la maladie échinococcose kystique par E. granulosus. Dans le cas d’E. multilocularis, une lésion ou masse multivésiculaire contenant des protoscolex grossit rapidement par bourgeonnement exogène et provoque l’échinococcose alvéolaire chez les rongeurs et autres petits mammifères. En dépit d’une croissance lente chez l’homme et les animaux ayant une grande longévité (chameaux ou chevaux, par exemple), les kystes d’E. granulosus peuvent atteindre 10 à 20 centimètres, tandis que chez le mouton, ils mesurent 2 à 6 cm.

Le cycle de vie arrive à terme lorsque les kystes sont ingérés par un hôte définitif carnivore (chien ou loup, par exemple). Les larves (protoscolex) passent du kyste à l’intestin grêle et évoluent en vers adultes qui produisent des œufs disséminés dans l’environnement à travers les fèces de l’hôte dans un délai de 25 à 80 jours, selon l’espèce et la souche d’Echinococcus.


Risque pour la santé publique

L’échinococcose est une zoonose grave, avec des taux d’échinococcose kystique chez les humains allant de moins de 1 pour 100  000 à plus de 200 pour 100 000 au sein de certaines populations rurales, en cas de contact étroit avec les chiens domestiques. L’incidence de l’échinococcose alvéolaire humaine est généralement < 0,5 pour 100  000, mais peut s’élever à >100 pour 100 000 dans certaines communautés (par exemple chez les bergers tibétains).

Les personnels de laboratoire, les maîtres-chiens, les vétérinaires et les propriétaires de chiens courent un risque plus élevé. Les œufs étant disséminés dans l’environnement, ils peuvent contaminer les fruits et légumes ou l’eau et sont susceptibles d’adhérer au pelage des animaux et de se transmettre de la main à la bouche.

Chez l’homme, les kystes d’E. granulosus se développent généralement dans des organes tels que le foie et les poumons. Les signes de la maladie sont donc liés à une déficience de ces organes. Rarement, les kystes se forment sur les os, provoquant des fractures spontanées, ou dans le cerveau, entraînant des signes neurologiques. Les kystes ou lésions d’E. multilocularis surviennent principalement dans le foie et grossissent lentement, pouvant cependant entraîner des pathologies graves du foie et un risque élevé de mortalité s’ils ne sont pas traités. De même, une rupture occasionnelle des kystes provoque des réactions allergiques sévères chez l’homme. Le traitement fait appel à la chirurgie afin d’extraire ou de drainer les kystes ou à une résection du foie doublée d’une chimiothérapie à long terme avec parasiticides (albendazole, mébendazole, par exemple), afin de tuer les larves ou d’empêcher leur réapparition après intervention chirurgicale.

La chaîne de transmission allant de la main à la bouche, un lavage fréquent des mains constitue une mesure de prévention majeure.


Signes cliniques

Les vers provoquent peu d’effets cliniques dans l’intestin grêle de l’hôte définitif. Chez l’hôte intermédiaire, le kyste se déplace progressivement ou induit une fibrose des tissus normaux, entraînant des manifestations cliniques. Chez l’homme, les symptômes dépendent de la localisation des kystes, ainsi que de leur taille et de leur nombre ou de la masse du métacestode.

Sur le bétail infesté par E. granulosus, on peut enregistrer une diminution de la croissance, de la production de lait, de viande et de laine, une baisse du taux de natalité ainsi que des pertes dues à la saisie des organes lors de l’examen post-mortem. Toutefois, les kystes se développent lentement et nombre d’animaux infestés sont abattus avant que la maladie ait une manifestation clinique.

Il peut cependant exister de multiples kystes d’E. granulosus, éventuellement présents dans le cerveau, les reins, les os ou les testicules, entraînant une maladie plus grave. En l’absence de mesures de contrôle, les taux d’infestation peuvent être très élevés parmi le bétail et les chiens, avec une incidence significative pour l’homme.

E. multilocularis (et les autres espèces) infestent rarement les vaches, les moutons et les porcs et, en cas d’exposition, les kystes peuvent être non viables.


Diagnostic

Au vu du cycle de vie, le meilleur moyen de diagnostiquer l’échinococcose chez les hôtes définitifs est la mise en évidence du vers adulte dans l’intestin, au stade post-mortem, ou dans les mucosités après un test de diagnostic (vermifugation à base d’arécoline) ou la découverte de proglottides (segments de vers) dans les fèces. Chez les carnivores sauvages, les renards, par exemple, une autopsie est généralement réalisée dans les zones où E. multilocularis est endémique. Il existe également des tests pour des antigènes spécifiques dans les fèces (copro-antigènes) qui sont hautement spécifiques pour le genre Echinococcus et présentent une plus grande sensibilité que la vermifugation à base d’arécoline.

Chez l’hôte intermédiaire, le diagnostic repose sur une détection post-mortem des kystes, notamment dans le foie et les poumons pour E. granulosus. Ils sont souvent décelés lors du contrôle de la viande à l’abattoir et peuvent également être localisés grâce à un examen par ultrasons, bien que les images présentent une faible spécificité. Les épreuves sérologiques ne sont pas couramment utilisées sur les vaches, les moutons et les porcs pour la détection de l’échinococcose kystique en raison d’une sensibilité et d’une spécificité variables. L’examen post-mortem des petits mammifères peut servir à détecter des kystes d’E. multilocularis, mais les prévalences restent généralement faibles; les chiffres de prévalence chez le renard se révèlent donc plus utiles.

Les œufs peuvent être prélevés au sol (ou dans les fèces) pour une amplification spécifique de l’ADN afin de déceler la présence d’Echinococcus.

Le diagnostic est réalisé conformément aux lignes directives du Manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres de l’OMSA.


Prévention et contrôle

La meilleure mesure de contrôle consiste à interrompre le cycle de vie du parasite. Pour E. granulosus, ceci peut être fait de la façon suivante :

  • empêcher l’accès des chiens aux carcasses de bétail (vaches, moutons, porcs) ou aux restes d’abattage provenant des fermes, des maisons, des abattoirs ou des boucheries
  • traiter les chiens par un anthelminthique (praziquantel) afin de tuer le vers adulte
  • détecter les kystes lors du contrôle de la viande afin de cibler les fermes ou communautés infestées
  • vacciner les moutons (ou tout autre bétail) afin de prévenir le développement d’ granulosus au stade larvaire.

En laboratoire, une hygiène stricte est nécessaire afin d’éviter l’infestation du personnel.

Le cycle d’E. granulosus dans la faune sauvage ne se prête pas au contrôle, mais en empêchant le stockage des ordures et en mettant en place des mesures d’hygiène, l’infestation des animaux domestiques et sa transmission ultérieure à l’homme pourraient être réduites.

Le contrôle d’E. multilocularis se révèle beaucoup plus difficile en raison du cycle de la faune sauvage entre renards et rongeurs, mais on a pu ralentir la transmission grâce à l’utilisation d’appâts au praziquantel pour les renards et l’administration de médicaments aux chiens domestiques lorsque la maladie se répand au sein de cette population.


Distribution géographique

Parmi les cinq espèces, Echinococcus granulosus est présent dans le monde entier. E. multilocularis est largement répandu dans l’hémisphère nord, tandis que deux espèces, E. oligarthus et E. vogeli, ne sont représentées qu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud. La cinquième, E. shiquicus, a été découverte en 2006 en République populaire de Chine. E. granulosus et E. multilocularis présentent le risque zoonotique le plus important. En revanche, les espèces latino-américaines infestent rarement les humains et le statut zoonotique d’E. shiquicus demeure inconnu.


Références