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Lutter contre la mésinformation pour accroître les efforts de réduction des risques de catastrophes au niveau mondial

misinformation and animal health emergencies
La mésinformation exerce des effets profonds et durables sur la société, en façonnant les points de vue et en influençant les comportements. Lors d'une épidémie, elle peut être aussi contagieuse que la maladie elle-même. À l'occasion de la Journée de la réduction des risques de catastrophes, il est essentiel d'examiner comment la lutte contre la mésinformation s'inscrit dans les efforts de réduction des risques de catastrophes et d'envisager des mesures concrètes à prendre ensemble pour relever ce défi mondial.

Lorsqu’une épidémie survient, les fausses nouvelles et les théories complotistes peuvent circuler rapidement et souvent devenir virales. Pour ceux d’entre nous qui travaillent dans le domaine de la santé animale, la comparaison entre la façon dont la mésinformation se diffuse et la façon dont les virus se propagent est remarquablement pertinente.

En 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a prévenu que le monde était confronté, au-delà des défis posés par la pandémie, à une « infodémie » provoquée par la prolifération de théories complotistes et de fausses informations sur le nouveau virus. Il s’agit de la première pandémie de l’histoire au cours de laquelle la mésinformation s’est répandue à une échelle sans précédent grâce aux progrès technologiques et à l’internet. 

Une étude publiée dans l’American Journal of Tropical Medicine and Hygiene a estimé qu’au cours du premier trimestre 2020, la mésinformation liée au coronavirus a causé la mort d’au moins 800 personnes dans le monde. À ce moment-là, il n’était pas rare que la pandémie soit traitée de « canular » ou que le virus soit décrit comme une « arme biologique » dans les contenus en ligne.

La pandémie a mis en évidence le rôle joué par la mésinformation lors des crises sanitaires, contribuant dangereusement à la propagation et à l’impact des maladies réelles. La crise du COVID-19 nous a toutefois préparés de manière unique aux futures infodémies, léguant aux générations futures un véritable héritage en matière de sensibilisation. 

La mésinformation est une information fausse, trompeuse, mensongère ou manipulée qui n’est pas diffusée dans l’intention de tromper. Elle est souvent diffusée par des personnes qui ne réalisent pas qu’elle est fausse et qui n’ont pas l’intention de nuire. 

La mésinformation : un défi largement répandu 

La propagande et les théories complotistes sur les maladies peuvent apporter aux gens des réponses simples et faciles à des questions complexes. Tout au long de l’histoire, des informations trompeuses et mensongères ont été utilisées pour manipuler les gens, en particulier ceux qui n’ont pas les connaissances scientifiques nécessaires pour déceler les mensonges, provoquant ainsi un climat généralisé de méfiance, d’anxiété et de peur.

Lorsqu’il s’agit d’informations délibérément créées, présentées et diffusées dans l’intention de tromper, d’induire en erreur ou de nuire, afin de promouvoir des objectifs spécifiques ou de fausser l’opinion publique, ce phénomène est qualifié de
« désinformation »

L’essor des réseaux sociaux n’a fait qu’aggraver le problème. Ces dernières années, des plateformes telles que Facebook et X (anciennement Twitter) sont devenues des lieux où les gens cherchent des réponses et du réconfort en période d’incertitude, comme en cas de pandémie ou de catastrophe naturelle. Malheureusement, ces plateformes constituent également un terrain fertile pour des déclarations non vérifiées et des contenus généralement nuisibles.

La Dre Helen Roberts, conseillère du G7 pour la lutte contre les maladies exotiques auprès du Ministère britannique de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales (DEFRA), se souvient d’un cas récent de désinformation concernant la grippe aviaire chez le bétail. Aux États-Unis, certains utilisateurs de réseaux sociaux suggéraient de boire du lait cru contenant de l’influenza aviaire hautement pathogène, affirmant à tort que cela permettrait de vacciner les gens contre la grippe.

Mais il n’y a pas que les utilisateurs des réseaux sociaux qui sont victimes de la mésinformation. Au cours des épidémies, même certains organes de presse réputés peuvent parfois mal interpréter des informations provenant de sources officielles. 

Identifier la désinformation peut se révéler être une tâche ardue en raison de sa nature et de son omniprésence. Néanmoins, nous pouvons renforcer notre résistance collective face à ce phénomène.

Lutter contre la propagation virale de la mésinformation

Pour faire face au problème de la mésinformation, il faut adopter une solution multiforme. D’une part, les scientifiques et les vétérinaires doivent développer leur capacité à démystifier les messages diffusés par des experts « autoproclamés » de la santé. D’autre part, les journalistes doivent respecter les principes éthiques en vigueur et s’assurer qu’ils ne communiquent que des informations vérifiées provenant de sources fiables. Pour éviter de dénaturer les données et les statistiques dans le cadre de tout reportage de fond, il convient de privilégier l’exactitude – et non la rapidité -, en particulier lorsqu’il s’agit de sujets sensibles tels que les épidémies. 

Il est tout aussi important de former le public à l’évaluation critique des informations qu’il consomme. Ceci est crucial pour aider les individus à discerner les sources dignes de confiance et à rejeter les fausses informations. 

Les effets de la mésinformation vont bien au-delà de la peur et de l’anxiété qu’elle suscite. Les fausses allégations peuvent éroder la confiance du public envers les gouvernements et les autorités sanitaires, ce qui complique les efforts de lutte contre les épidémies. Lorsque les autorités enquêtaient sur les maladies à déclaration obligatoire ou assuraient des actions de surveillance pendant l’épizootie de H5N1 (2020-2022) au Royaume-Uni, certains petits exploitants ou éleveurs de basse-cour ont refusé de les laisser entrer dans leurs fermes, affirmant que les fonctionnaires du gouvernement étaient responsables de la propagation de la maladie. On constate également une augmentation de la résistance à la vaccination, certaines personnes affirmant que leurs animaux de compagnie ont eu des réactions négatives aux vaccins antirabiques. 

La Dre Roberts insiste sur la nécessité de personnaliser la communication en fonction des différents publics. Elle souligne l’importance d’adapter le discours sur les risques, en particulier auprès des propriétaires d’animaux de compagnie. « Si nous communiquons avec les propriétaires d’animaux, nous devons garder à l’esprit que les animaux font partie de la famille. Dire simplement que leur famille est exposée à un risque de rage n’est pas efficace, car il s’agit d’un événement rare. En revanche, expliquer que certains chiens ne s’adaptent pas bien à un environnement familial pourrait être un message plus réaliste et plus facile à comprendre », explique-t-elle. 

C’est pourquoi les gouvernements et les organisations scientifiques doivent utiliser un langage simple, inclusif et complet. Les informations sur les menaces d’aujourd’hui, très diverses, devraient permettre aux parties prenantes – y compris les vétérinaires, les agriculteurs et les citoyens numériques de tous âges – de prendre des décisions en connaissance de cause, plutôt que de les écraser sous le poids de la peur. 

Le panorama actuel marqué par la multiplicité des risques est complexe et en constante évolution. Dans ce contexte, l’OMSA est parfaitement consciente de l’importance de doter la société des outils nécessaires pour comprendre réellement les risques auxquels elle est confrontée. La mésinformation ne fait pas exception à la règle. Dans le cadre d’un effort coordonné avec INTERPOL en matière de préparation aux situations d’urgence, l’Organisation a rédigé des lignes directrices sur la désinformation et la mésinformation dans les situations d’urgence de santé animale, qui décrivent la nature du problème tout en présentant des solutions pratiques, des outils et des stratégies pour y remédier.

Alors que les maladies continuent de se propager partout dans le monde, l’OMSA reste déterminée à encourager une culture de la prévention des catastrophes et à sensibiliser aux dangers de la mésinformation dans le domaine de la santé animale.