Interview : Lutte contre la grippe aviaire : la vaccination peut-elle soutenir la sécurité de la filière œuf ?

L’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), ou grippe aviaire, ne cessant d’affecter les oiseaux sauvages et domestiques ainsi que les mammifères, la vaccination contre le virus est de plus en plus envisagée comme un outil complémentaire aux mesures de biosécurité et de contrôle déjà mises en œuvre pour gérer la maladie. Dans le cadre de la première édition du rapport sur la Situation mondiale de la santé animale, publiée par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), l’Organisation mondiale des œufs (World Egg Organisation – WEO) fait part de ses réflexions sur la manière dont la vaccination pourrait protéger les poules pondeuses et préserver la production d’œufs.
Entretien avec Julian Madeley (Directeur général de l’Organisation mondiale des œufs)
Compte tenu de votre expérience, comment avez-vous vu évoluer l’approche de la gestion de l’IAHP au fil des ans ?
Julian Madeley (J. M.) : Depuis de nombreuses années, l’Organisation mondiale des œufs défend le rôle d’une biosécurité efficace en tant qu’outil primordial dans la lutte contre l’influenza aviaire, et nous continuerons à le faire. Nous avons constaté l’adoption de pratiques de biosécurité de haut niveau dans les exploitations.
Nous avons constaté que des protocoles et des contrôles de biosécurité rigoureux pouvaient réduire le risque de maladie. Nous avons également observé que des élevages d’œufs bénéficiant d’une excellente biosécurité ont été touchés par des foyers de maladie.
En raison de l’évolution rapide de ce virus, les stratégies de prévention et de contrôle existantes ne suffisent plus. Les producteurs d’œufs ont désormais besoin d’un véritable accès à des programmes de vaccination contre l’influenza aviaire qui soient efficaces et applicables, et qui constituent un moyen supplémentaire de lutte contre la maladie.
Quel rôle la vaccination devrait-elle jouer dans la stratégie globale de lutte contre l’influenza aviaire, parallèlement aux mesures de biosécurité ?
J. M. : Celui d’un instrument supplémentaire et d’une mesure complémentaire, à utiliser parallèlement aux mesures de biosécurité et de contrôle.
En tant que producteurs d’œufs, nous avons deux rôles essentiels à jouer : le premier consiste à veiller à la santé et au bien-être de nos animaux, et le second à fournir des aliments hautement nutritifs à la population. La vaccination nous permettra d’atteindre ces deux objectifs. Elle nous permettra de continuer à assurer la santé et le bien-être des animaux, tout en proposant une source d’alimentation de haute qualité.
Quels sont les principaux défis ou idées fausses entourant l’utilisation de la vaccination contre l’IAHP ?
J. M. : Une idée fausse très répandue voudrait que la vaccination risque de créer des mutations virales, alors qu’en réalité elle réduit l’exposition des humains et la contamination de l’environnement, sans parler des avantages sur le plan économique et sur celui du bien-être des animaux.
Les principaux défis à relever sont le coût de la surveillance, les incidences sur les autres secteurs de l’industrie avicole et le commerce.
Comment voyez-vous les organisations internationales telles que l’OMSA et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) influencer l’avenir des politiques de vaccination en matière de santé animale ?
Quel rôle les acteurs de l’industrie, tels que l’Organisation mondiale des œufs, devraient-ils jouer pour soutenir les efforts de vaccination ?
J. M. : Une approche mondiale coordonnée des stratégies de vaccination contre l’influenza aviaire hautement pathogène est nécessaire, appuyée par des orientations claires en matière de surveillance et des mesures appropriées pour atténuer les conséquences sur les échanges commerciaux.
Le rôle de l’Organisation mondiale des œufs est de servir de pont entre l’OMSA et la FAO et les producteurs d’œufs. Nous jouerons un rôle actif dans la mise en œuvre de la stratégie de l’OMSA et de la FAO, en développant des outils pratiques pouvant être utilisés dans les exploitations, afin d’encourager l’excellence en matière de biosécurité et d’aider les producteurs d’œufs qui ont recours à la vaccination à le faire de la manière la plus efficace possible.
Comment les gouvernements et les acteurs du secteur privé peuvent-ils collaborer pour garantir que les vaccins soient largement accessibles et mis en œuvre de façon efficace ?
J. M. : Alors que de plus en plus de pays dans le monde commencent à vacciner leurs poules pondeuses contre l’influenza aviaire, nous devons établir des lignes directrices sur les meilleures pratiques au niveau mondial. L’Organisation mondiale des œufs a élaboré des lignes directrices destinées aux exploitations et sera heureuse de partager ses travaux, afin de s’assurer qu’ils complètent les stratégies de haut niveau élaborées par l’OMSA et la FAO.
La première étape de la vaccination contre l’IAHP consiste à définir un objectif stratégique et tous les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif sur la base des données scientifiques disponibles.
La vaccination contre l’IAHP nécessite toujours une collaboration très étroite entre toutes les parties prenantes, en particulier les services vétérinaires, les agences de réglementation, l’industrie pharmaceutique, les vétérinaires et l’ensemble de l’industrie avicole.
Elle nécessite une définition claire des rôles et des responsabilités de chaque acteur de la chaîne, du fabricant de produits pharmaceutiques aux producteurs et à tous les acteurs intermédiaires.
Le plan de vaccination doit être transparent pour toutes les parties prenantes, y compris les détaillants et les consommateurs. Les responsabilités financières relatives aux vaccins, à la vaccination et à la surveillance doivent faire l’objet d’un accord avant la mise en œuvre.
À l’avenir, quels seront, selon vous, les facteurs les plus déterminants pour parvenir à une meilleure maîtrise de l’IAHP à l’échelle mondiale ?
J.M. : La lutte contre l’influenza aviaire nécessite une approche unifiée.
Dans l’état actuel des choses, l’IAHP est endémique chez les oiseaux sauvages et le restera. La biosécurité à elle seule s’est avérée insuffisante pour protéger la production d’œufs dans le contexte actuel. La prévisibilité des foyers est faible et dépend du comportement des oiseaux sauvages, qui change en fonction des conditions saisonnières et climatiques.
Dans un tel contexte, il est essentiel de mieux comprendre l’épidémiologie grâce à la recherche fondamentale afin d’améliorer la biosécurité. Une approche intelligente de la vaccination chez les espèces et dans les zones à haut risque constitue une couche de protection supplémentaire qui semble essentielle aujourd’hui.
À propos de Julian Madeley
Julian Madeley est le directeur général de l’Organisation mondiale de l’œuf, où il dirige le développement stratégique de l’organisation et défend les avantages mondiaux des œufs pour la santé et la nutrition humaines. Passionné par la sensibilisation au rôle de l’œuf dans l’amélioration des conditions de vie dans le monde entier, Julian apporte à son poste une vaste expérience internationale.
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