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Contrôle de la tuberculose des mammifères : Une étude pilote en Éthiopie

mammalian bovine tuberculosis in Ethiopia study
Découvrez la stratégie innovante de l'Éthiopie, basée sur le dépistage et la ségrégation (T&Sg), pour lutter contre la tuberculose des mammifères dans son industrie florissante de l'élevage.

En Éthiopie, comme dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, la tuberculose des mammifères demeure une préoccupation majeure. Cette maladie bactérienne hautement contagieuse et chronique infecte le bétail et d’autres animaux domestiques. En Éthiopie seulement, elle affecte environ 3,8 millions de bovins. Combinée à une prévalence estimée de 2,4 % de la tuberculose zoonotique dans le pays, cette situation confère à la région un fardeau élevé de tuberculose des mammifères. 

Population d’animaux d’élevage en Éthiopie

L’Éthiopie, l’un des plus anciens et des plus densément peuplés pays de la Corne de l’Afrique, possède la plus grande population d’animaux d’élevage du continent. Le secteur de l’élevage représente environ 20 % du PIB du pays, tandis que l’agriculture dans son ensemble emploie environ 75 % de la population active. Ainsi, les maladies animales non maîtrisées, en particulier celles qui affectent le bétail, peuvent avoir des effets dévastateurs sur la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et l’économie. 

Évaluation des méthodes de contrôle 

L’approche standard actuelle pour la gestion de la tuberculose des mammifères est la méthode du dépistage et de l’abattage (T&C), qui consiste à tester les animaux et à éliminer ceux qui sont positifs à la maladie. Cette méthode a permis de contrôler efficacement la propagation dans les pays à revenu élevé. 

Cependant, pour diverses raisons, l’Éthiopie et de nombreux autres pays lourdement touchés par la maladie n’ont pas adopté officiellement le T&C comme stratégie de contrôle de la tuberculose des mammifères. Les obstacles incluent des contraintes économiques, un manque d’infrastructures, ainsi que des raisons culturelles et religieuses. Pour répondre à ces préoccupations, en octobre 2024, l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) a publié des Lignes directrices pour le contrôle du complexe Mycobacterium tuberculosis chez les animaux d’élevage : Au-delà du dépistage et de l’abattage. Ces lignes directrices mettent en avant une méthode alternative de contrôle de la tuberculose des mammifères : le dépistage et la ségrégation (T&Sg). Avec cette approche, les animaux sont testés, et les bovins positifs sont entièrement séparés du reste du troupeau au lieu d’être abattus. 

Analyse d’une étude pilote 

« En Éthiopie, nous disposons d’une ressource animale considérable », explique le Dr Matios Lakew, vétérinaire et chercheur à l’Institut de santé animale de Sebeta. « Le gouvernement prévoit d’exploiter ce potentiel pour le développement économique du pays et la sécurité alimentaire. » Cependant, avec l’intensification de l’élevage laitier, le risque de transmission de maladies, y compris la tuberculose des mammifères, est devenu un défi prioritaire. Une prévalence plus élevée de la maladie a été observée dans les fermes laitières intensives utilisant des bovins Holstein-Friesian importés pour leur forte production laitière. « Sachant cela, nous avons voulu évaluer l’efficacité et la faisabilité de ces méthodes de contrôle de la tuberculose des mammifères », poursuit-il. « Nous avons donc lancé une étude pilote dans des fermes laitières appartenant à l’État. » 

Le Dr Matios et son équipe ont évalué les méthodes T&C et T&Sg pendant plus d’un an. Après 18 mois, l’utilisation du T&C a réduit la prévalence de la tuberculose des mammifères de 11,3 % à 0 %. Avec le T&Sg, la prévalence est passée de 22,2 % à 0 % en un an. L’étude a démontré que les deux méthodes étaient efficaces, mais l’équipe a souhaité évaluer leur faisabilité économique. Ils ont constaté que bien que le T&C nécessite moins d’infrastructures, son coût total était presque deux fois plus élevé que celui du T&Sg. 

Pour nous, en Éthiopie, le T&C n’est pas envisageable à grande échelle. Non seulement il est très coûteux, mais les éleveurs perdent aussi des vaches laitières de grande valeur génétique, ce qui entraîne des pertes importantes. De plus, aucun mécanisme de compensation n’est prévu pour les éleveurs concernés.

Dr Matios Lakew, vétérinaire et chercheur à l’Institut de santé animale de Sebeta.

En revanche, l’utilisation du T&Sg s’est révélée faisable pour les exploitations à la fois à faible et à forte prévalence. Le Dr Matios note que cette méthode est particulièrement adaptée aux fermes où la prévalence est modérée, car les animaux infectés peuvent être séparés des sains. En cas de prévalence très élevée, la séparation précoce des veaux s’est avérée être une alternative efficace dans les fermes laitières intensives. « Dans un cas, nous avions une ferme avec 100 % de prévalence de tuberculose des mammifères. En mettant en œuvre la séparation précoce des veaux pour éviter la transmission par le colostrum, nous avons produit une nouvelle génération de bovins de remplacement majoritairement négatifs au test — environ 76 % sont restés négatifs », ajoute-t-il. « En d’autres termes, un troupeau entièrement positif a donné naissance à un troupeau de remplacement majoritairement négatif. » 

Enseignements tirés de l’étude sur la mTB 

Le Dr Matios partage plusieurs enseignements pour les pays souhaitant mettre en œuvre la méthode T&Sg comme stratégie de contrôle de la tuberculose des mammifères. 

S’assurer que les exploitations disposent des infrastructures adéquates

Des installations de ségrégation appropriées sont essentielles. Chaque ferme doit construire une étable supplémentaire pour séparer les animaux positifs et négatifs, ainsi que pour stocker le lait destiné aux veaux, l’alimentation, l’eau et les équipements nécessaires. Les étables doivent également être équipées pour faire bouillir ou pasteuriser le lait avant de le donner aux veaux, ou pour leur fournir un substitut de colostrum.

Procéder à des dépistages répétés


Les laboratoires et cliniques doivent utiliser des tests sensibles conformes aux recommandations de l’OMSA et doivent être en mesure d’effectuer des tests de dépistage réguliers. 

Commencer par une étude pilote

Enfin, le Dr Matios recommande de commencer par une étude pilote afin d’affiner le protocole T&Sg avant de l’adopter à grande échelle. 

Maintenant que son étude pilote est achevée, le Dr Matios, son équipe et leurs partenaires prévoient d’évaluer la méthode T&Sg à plus grande échelle, en envisageant notamment l’ajout de la vaccination par le BCG. « Des recherches sont en cours aux États-Unis, au Canada, en Inde et ici en Éthiopie, où la vaccination est utilisée en complément du T&Sg pour le contrôle de la tuberculose des mammifères.»